25 Mars 2009 – 25 Mars 2021. Retour sur un épisode très instructif de la vie politique et de la marche de la République.

” 58 jours de résistance” titrait le journal LeSoft de Triphion Kinkey Mulumba, un des grands analystes politiques congolais.

ce 25 mars 2009, le président de l’assemblée nationale, Vital Kamerhe démissionne de son poste, au cours d’une courte plénière sans débat ni vote, à laquelle quelques 404 députés avaient pris part au Palais du peuple. 58 jours après avoir tenu tout le pays en haleine.

Pourquoi ce très proche du chef de l’état en vient à quitter son poste stratégique de président de l’Assemblée nationale, numéro deux au protocole d’état ?

Au lendemain de l’annonce par le gouvernement d’une opération militaire conjointe, entre les armées rwandaise et congolaise, en vue de traquer les rebelles Rwandais FDLR sur le territoire congolais, en province du Nord Kivu, Vital Kamerhe président de l’assemblée nationale, a réagi.

Il faut dire que l’homme est connu pour son franc parler. C’est le moins que l’on puisse dire.

Vital Kamerhe fait mouche !

Le président de l’Assemblée nationale a qualifié de « grave » le lancement le 20 janvier 2009 d’une opération militaire congolo-rwandaise dans l’Est de la RDC, au cours d’une interview accordée début février 2009 à Radio Okapi.

Vital Kamerhe a renchérit  en se disant « non informé de l’entrée sur le territoire congolais (…) des troupes de l’armée rwandaise ».

Cette sortie médiatique va lancer les troupes de la majorité présidentielle, dont il fait partie, sur les traces de “ce président du parlement qui a osé contredire le chef ! ” réaction d’un cacique kabiliste à l’époque.

Bien qu’il ait accepté le principe de sa démission, le président de l’assemblée nationale tient au respect de la procédure et rétorque à ceux qui lui demandent de démissionner pendant les vacances parlementaires d’attendre la rentrée parlementaire pour recevoir sa démission, conformément à la constitution,
c-à-d devant ses pairs députés qui l’ont élu.

Il s’en suivra une période de résistance et de reniement, durant laquelle une vraie campagne de dénigrement et de sape sera orchestrée par les siens contre lui.

Afin de le contraindre à déposer le marteau, des sommes colossales sont mises en jeu pour forcer d’abord les membres du bureau à se désolidariser de leur président et ensuite pour s’assurer le soutien incertain des députés qui semblaient, en ce moment, plus près de la position de leur président que de l’exécutif.

Au Congo l’argent achète tout…

C’est ainsi qu’on a vu un Bahati Lukwebo démissionner rapidement, ainsi que Christophe Lutundula, pourtant chantre des valeurs et autres principes juridiques.

Le reste du bureau suivra jusqu’au dernier, un membre du parti de Nzanga Mobutu, qui finira par démissionner la veille de la plénière.

Comme promis, le président de l’assemblée nationale, seul sur le perchoir, va démissionner sans débat ni vote, après un bref discours mémorable. Dont voici un extrait en copie.

Pourquoi Kamerhe s’était opposé à cette opération militaire ?

  • Les prérogatives constitionnelles.
    L’article 213 de la Constitution dispose ce qui suit : « Le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords internationaux, le gouvernement conclut les accords internationaux non soumis à la ratification, après délibération en conseil des ministres, il en informe l’Assemblée nationale et le Sénat.”
    Pourquoi le président de l’assemblée nationale n’avait pas été informé ?
  • Ce n’est pas le Général Etumba, CEM des Fardc qui a signé, mais le Général John Numbi, Inspecteur général de la police. Pourquoi ?
  • Compte tenu des dégâts collatéraux importants occasionnés en Province Orientale par une opération similaire avec l’armée ougandaise et celle du Sud du Soudan pour neutraliser les rebelles de la LRA, le gouvernement devrait prendre des précautions pour éviter que la même situation ne se produise au Nord-Kivu, estime le Fils du Kivu.
  • Une autre approche était possible et le parlement avait voté un Plan en 6 points, sur la coopération mutuellement avantageuse, épargnant ainsi la vie des citoyens congolais.

RDC – RWANDA
L’histoire se répète ?

Malgré la démission forcée du président de l’Assemblée nationale, force est de constater que ces opérations communes n’ont jamais pu régler cette question de l’insécurité à l’Est, jusqu’à la fin du régime Kabila en janvier 2019.

Quelles leçons Tshisekedi a tiré de cet épisode ?

Dans l’euphorie du nouveau pouvoir du président Tshisekedi, une sorte d’accalmie avait vu le jour au début, mais qui est de plus en plus perturbée ces derniers mois par des massacres et des attaques qui se multiplient.

Cette aggravation de l’insécurité a poussé les deux gouvernements à vouloir rechercher les solutions adéquates pour ainsi conjurer ce sort triste pour la population qui paie un trop lourd tribut et ce, depuis plus de 20 ans !

Des délégations congolaise et rwandaise tiennent régulièrement des réunions sur la sécurité des deux pays, tant à Kigali qu’à Kinshasa.

Un plan d’action est à présent soumis aux Présidents des deux pays.

L’opinion a remarqué comment le Conseiller Spécial en matières de sécurité, François Beya est au four et au moulin. Récemment, on l’a vu signer un accord avec le CEM du Rwanda, le général Jean Bosco Kazura.

Arrêtons nous un peu ici :

Comme dans l’affaire Kamerhe en 2009, c’est encore une personne non habiletée qui signe du côté congolais. Pourquoi pas le CEM congolais?

Comme à l’époque de Kamerhe, cet engagement international de la RDC n’est pas passé par le parlement. Article.213 de la Constitution.

Comme à l’époque de l’affaire Kamerhe, s’il s’agit encore d’une autre opération commune, celle-ci finira par séparer l’actuel chef de l’état Félix Tshisekedi de sa base du Kivu qui l’a élu majoritairement.

Nous invitons le Président de la République à poser cette question aux kabilistes qui sont devenus ses proches : Pourquoi le Kivu a rejeté Kabila ?

Ce sont les mêmes qui ont induis Kabila en erreur qui sont déjà entrain de conduire Tshisekedi sur les mêmes sentiers. C’est à lui et à lui seul que le peuple demandera des comptes.

12 ans, jour pour jour :
Bilan de Vital Kamerhe au parlement.

Sur le plan législatif, Vital Kamerhe a laissé un bilan largement positif avec des lois votées et des vrais contrôles parlementaires.

Sa conduite des échanges et du débat est restée un modèle d’impartialité et du sens du devoir républicain. L’homme avait su se placer au-dessus des clivages politiques au sein de l’hémicycle.

L’on se souvient que son parlement bien que majoraitement pro Kabila a officiellement condamné l’affrontement des troupes de Kabila et de Bemba dans la capitale.

Concernant l’affaire Bundu Dia Kongo, le président de l’assemblée nationale a permis à ce que l’opinion soit clairement informée de la vérité. Mwana Nsemi, chef spirituel de BDK a pu se défendre et le ministre de l’intérieur de l’époque Denis Kalume, pourtant proche et mentor de Kamerhe, fut humilié par la vérité. Le traitement de l’affaire BDK au parlement marqua la fin de la carrière du ministre Kalume qui ne s’en relèvera pas.

Le président de l’Assemblée nationale, proche de Kabila, n’avait pas hésité à s’attaquer au contrat chinois, au point où le parlement vota une motion contre ce contrat qui fut qualifié de léonin pour la première fois, sous la présidence de Vital Kamerhe.

Les proches de Kabila qui étaient tous impliqués dans cette juteuses affaire, ne lui pardonneront jamais cet affront.

En bref, unanimement salué par tous, le passage au perchoir de Vital Kamerhe qui aura duré 27 mois, n’aura laissé nul être indifférent. 12 ans déjà.

signée au nom de Gauthier Masumbuko, analyste politique.

La rédaction