Le contexte politique semble lui sourire à bien des égards. Adolphe Muzito est un pachiderme politique dont le poids attire bien de convoitises. Economiste de formation et chevronné inspecteur des finances, Adolphe Muzito est donc cette pointure politique gigantesque qui a toujours fait l’objet d’attentions. Il est constamment flagorné par plusieurs courants politiques qui se délectent de son agir et sa vision politique à distance. Tantôt accusé de fleurter avec Joseph Kabila, tantôt indûment rapproché à Félix Tshisekedi pour son épouse (une kasaienne), tantôt c’est l’opinion qui lui attribue une proximité avec Jean-Pierre Bemba. Adroit, habile et avisé, Muzito est surtout un acteur politique bien structuré. Qui sait ce qu’il veut. Et croit ce qu’il maîtrise. Depuis quelques temps, il se murmure qu’il n’est plus en parfaite flamme avec Martin Fayulu. Même si les deux ne s’avancent pas sur une conflictualité déclarée, il est de bonne sincérité d’en constater les évidences.
Visiblement, Lamuka souffre d’une troisième fracture interne et non de moindre. Après la première fissure qui détacha Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe successivement les 12 et 23 novembre 2018, une deuxième secousse est intervenue les 4 et 7 novembre 2020 avec ces rencontres hautes en couleur de Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba avec Félix Tshisekedi, président de la République en perspective de la création de l’Union sacrée. Si Muzito se distance de Fayulu à quelques mois de la prochaine présidentielle, bien sûr que Lamuka y perdrait de sa corpulence. Mais Muzito est une référence politique qui compte. Avec un parti politique qui s’implante et s’enracine. Voilà pourquoi Nouvel Élan vole aujourd’hui plus haut. Il culmine dans l’univers de l’opposition la plus dure.

Se définit-il une ambition à l’horizon 2023 ?

Ses performances économiques lui attribuent des sérieuses chances de gouverner. Mais jusqu’ici, l’homme s’entoure d’un mythe. Présent à tous les grands débats politiques et économiques du pays, personne n’ignore son étoffe et ses qualités de fin technocrate. Muzito ne souffre d’aucune faiblesse de gestion gouvernementale. Aux commandes d’un État post-conflit, Il a conduit le gouvernement à une époque où l’assiette fiscale globale (production nationale sur laquelle l’on prélève l’impôt) gravitait autour de 20 milliards de dollars. Aujourd’hui, nous sommes plus ou moins à 60 milliards de dollars de richesse nationale. Dans un entretien avec Christian Lusakweno de Top Congo FM, Muzito est bien fier des innovations par lui imprimées. La RDC a connu une augmentation de sa richesse dans la durée sur 10 ans, argumente-t-il. « J’avais trouvé un budget de 300 millions de dollars. En quittant le gouvernement, j’ai atteint 3,5 milliards de dollars. L’épargne était en dessous de 100 millions, je l’ai relevé à 3 milliards de dollars. J’ai également relevé le budget national de 150 millions à 3 milliards de dollars américains. Et je l’ai redistribué en augmentant le salaire des médecins, des enseignants et de l’ensemble des fonctionnaires », s’est-il félicité. Outre le volet économique, Muzito a géré le pays sous état de guerre à l’Est. Il en maîtrise les tenants politiques et les implications sous-régionales. Même si son postulat pour mettre fin à la guerre comme solution de la défense n’est pas suffisamment intériorisé, il est des rares leaders qui cernent la problématique sécuritaire de l’Est.

Des atouts bien séduisants pour stabiliser l’État. Malgré ce brillant parcours, il se refuse d’ambition publique. Peut-être se prononcera-t-il sur recommandation de son parti politique. Puisque ses qualités politiques et intellectuelles l’y contraignent.

Muzito et Fayulu, peuvent-ils se séparer sans casses ?

Tous fils du grand Bandundu, Adolphe Muzito et Martin Fayulu viennent de parcourir ensemble, un difficile trajet politique. C’est d’ailleurs cette lucidité qui fait qu’ils ne peuvent que s’entendre sur une séparation fraternelle. Chacun dans son bord. Muzito a, à son actif, un passé politique rayonnant. Gizengiste de première heure, Il fut l’une des figures de proue du Parti lumumbiste unifié (PALU). C’est d’ailleurs lui qui succéda au Premier ministre Antoine Gizenga à la primature, après avoir été ministre du Budget. Bien auparavant, il avait conduit la délégation du Palu au Dialogue intercongolais à Pretoria en Afrique du Sud avant de siéger comme député de la transition à l’Assemblée nationale pour le compte du Palu. Reste à savoir comment une possible dissension de deux géants sera gérée et consommée dans l’opinion.

Muzito toujours dans la résistance

« Je suis dans la résistance de Lamuka, voici trois ans et demi. Nous sommes à la phase de la résistance », proclame-t-il. Avec une nuance : « Il faut faire la différence entre (i) les alliances de résistance ; (ii) les alliances pour gérer ensemble, c’est le cas de l’Union sacrée et (iii) les alliances comme plateforme électorale », fin de citation. Muzito est un guerrier politique qui sait s’assumer. Il avance que Lamuka n’a pas encore reçu d’offre politique. La plateforme se tient prête à toutes les discussions. C’est ici qu’il aborde le sujet du bloc patriotique. Muzito est clair, dans un pays où les gens se marient avant les fiançailles, il faut d’abord discuter. « Nous sommes d’accord que les laïcs des Eglises (catholique et protestante) nous rassemblent comme brebis pour une cause commune qui peut être ponctuelle. Mais si c’est pour créer un bloc qui suppose une structure avec des objectifs, des éléments constitutifs qui s’engagent dans ces objectifs, notamment la lutte pour la vérité des urnes, nous sommes prêts à discuter », soutient-il. Fort de l’expérience de 2018, Muzito veut s’entourer de précautions. D’abord pour que triomphe la vérité des urnes « en 2023 et pour l’éternité ». Lamuka se bat également pour l’État de droit. Qui commence par garantir la souveraineté du peuple et le respect de cette souveraineté. C’est à ce prix que Muzito offre sa pleine confiance aux Églises (catholique et protestante) afin qu’elles rassemblent tout le monde comme dans une rencontre œcuménique. Car, par nature, un bloc avec une homogénéité d’objectifs, doit mettre d’accord toutes les sensibilités en présence. Il n’exclut pas de cheminer ensemble avec le Bloc patriotique quitte à ce que ceux qui n’étaient pas de leur opinion hier disent clairement qu’ils ne s’opposeront plus au combat de la vérité des urnes.

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