Répondre à des questions souvent posées : pourquoi l’Union européenne fait-elle de l’aide publique au développement, presque toujours sous forme de dons, à la République démocratique du Congo ? Comment l’UE met-elle en œuvre ses projets? Comment sont choisies priorités et zones d’intervention ?

L’aide publique au développement de l’Union européenne répond d’abord à un engagement international négocié dans les années 1960 : celui pris par les pays riches de transférer annuellement 0,7 % de leur PIB aux pays les plus pauvres pour les aider à rattraper leur retard de développement. Les États membres de l’Union européenne ont très vite décidé de faire transiter une partie de leur aide par un budget communautaire spécifique : le Fonds européen de développement (dès 1957, le traité de Rome prévoyait cette possibilité). A noter que le 11ème FED vient de s’achever en 2020. Avec ses États membres, malgré le départ du Royaume-Uni en 2020, l’Union européenne demeure le plus grand fournisseur mondial d’aide au développement. Depuis le traité de Lisbonne (2009), la coopération au développement est une compétence partagée de l’UE et de ses États membres.

Une des caractéristiques fortes de l’aide des institutions européennes est qu’elle a pris dès son origine une forme partenariale et négociée avec les pays de la zone ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) et la signature de Conventions de Yaoundé I, II, Lomé I, II, III, IV et l’Accord de Cotonou. La coopération européenne est donc par essence contractuelle avec des objectifs définis conjointement, des principes fondamentaux, une dimension politique (avec des engagements de gouvernance et de respect de l’État de droit), des dispositifs institutionnels de suivi mutuel.

A travers sa politique de développement, l’UE poursuit évidemment, comme d’autres puissances, des objectifs d’influence. A la différence d’autres, ceux-ci sont largement débattus et publics : promotion de valeurs démocratiques, renforcement de la coopération bi et multilatérale. Face aux immenses défis planétaires du XXIème siècle comme la lutte contre le changement climatique, le combat contre le terrorisme international, la préservation de la santé mondiale, la gestion des migrations, etc. L’UE est convaincue de la nécessité d’une action collective.

Pour mettre en œuvre concrètement les programmes nationaux de coopération dans le cadre que je viens de décrire, l’UE s’appuie sur des structures nationales comme la COFED, la Cellule d’appui à l’ordonnateur national du FED, c’est à dire le Ministère des Finances pour la RDC. Quelques actions peuvent être conduites de façon limitée en dehors de ce cadre (certains appuis à la société civile, notre aide humanitaire et à la stabilisation, des financements au secteur privé et bancaire…), mais ce dernier demeure de très loin la référence principale. Il est à noter que l’aide des institutions de l’Union européenne pour les pays les plus pauvres est à 100 % déliée, c’est à dire qu’avec cette aide il n’y a aucune obligation d’achat de produits européens. Les appels d’offre gérés par la COFED sont ouverts à toutes les entreprises.

Le choix des secteurs d’intervention et des zones géographiques prioritaires se fait toujours en concertation avec les autorités en fonction des priorités nationales, en suivant le Plan national stratégique de développement, PNSD, pour la RDC et dans une approche coordonnée avec les autres bailleurs. Contrairement à certaines idées reçues, nos programmes de développement sont loin d’être concentrés dans les seules provinces de l’Ituri, du Nord et Sud Kivu. La réhabilitation de la RN1 concerne l’ouest et le centre de la République démocratique du Congo. Avec l’ Institut congolais pour la conservation de la nature, ICCN, nous travaillons sur des parcs dans tout le pays. L’UE n’a pas les moyens à elle-seule de financer le développement de tous les secteurs et de toutes les 26 provinces de la RDC : nous devons donc opérer des priorités ; mettre en place des projets pilotes; favoriser des approches innovantes; renforcer la collecte de ressources nationales.

De mon expérience de coopération depuis 30 ans, aucun pays, grand ou petit Vietnam, Maroc, Maurice n’a jamais décollé avec la seule aide extérieure : il faut lui associer une stratégie nationale forte, des institutions solides, l’ouverture aux investissements internationaux. L’aide européenne a évolué dans les dernières années avec de nouveaux accents mis sur le genre, le développement du secteur privé, la priorité à une transition énergétique et écologique profitable à tous (déclinaison internationale du « Green Deal »), la modernisation digitale. Nos instruments vont se transformer dans le cadre de la nouvelle programmation de développement 2021/2027 post-Cotonou, avec la fin notamment des mécanismes du FED, mais je ne doute pas une seule minute que nous en garderons l’esprit de partenariat et d’appropriation nationale.

Jean-Marc Châtaigner

Ambassadeur de l’Union européenne en République démocratique du Congo