Le domicile de l’ancien patron de l’Agence nationale de renseignements (ANR) a été perquisitionné dans la nuit du 10 au 11 mars. Il est allé plaider sa cause auprès d’un fidèle du président.
Dans la nuit du 11 mars, à 3 heures, des policiers lourdement armés, venus à bord de trois Jeep de la police nationale congolaise, ont complètement encerclé sa résidence de Binza/Ma Campagne, située dans le quartier Joli Parc de Ngaliema, à Kinshasa.
Selon nos informations, aux alentours de 5 heures, un mandat de perquisition et un mandat d’amener, signés le 10 mars par le magistrat et avocat général Robert Kumbu Phanzu, déjà récusé par Kalev Mutond le 8 mars, ont été présentés à sa fille, Isabelle Ihemba Kayombo.
Série de perquisitions
Cette députée nationale, qui vit également dans la résidence, a accepté d’accompagner les policiers qui ont perquisitionné le bureau de son père, ses véhicules, sa maison principale ainsi que ses deux dépendances. S’ils n’ont rien emporté, ils ont refusé de laisser des copies de ces deux mandats.
Ancien administrateur général de l’Agence nationale des renseignements (ANR), Kalev Mutond est visé par une dizaine de plaintes déposées par des personnalités qui se présentent comme d’anciennes victimes du pouvoir de Joseph Kabila. Dans une lettre datée du 12 février et adressée à Justin Inzun Kakiak, actuel patron de l’ANR, le Parquet général près la cour d’appel de Kinshasa-Gombe avait requis l’aval ce de dernier – comme l’exige la loi – pour engager des poursuites à l’encontre de son prédécesseur.
La lettre de Kalev
Dans une lettre qu’il a transmise au Procureur général, et que Jeune Afrique a pu consulter, Kalev Mutond assure que son successeur, dans sa lettre datée du 23 février, a émis un “avis négatif” quant à l’opportunité de lancer cette procédure contre lui.
Toujours selon nos informations, ce même Procureur général a demandé le 11 mars à son homologue près la cour d’Appel de Kinshasa-Gombe de “réattribuer” tous les dossiers concernant Kalev Mutond à un autre magistrat, pour la “sérénité” de la Justice. Ce dernier avait argué du fait qu’en tant que patron de l’ANR, il avait rang de ministre et ne pouvait être jugé par la Cour de cassation.
Déjà sous sanctions américaines depuis décembre 2016 et régulièrement visé par des organisations de défense des droits humains, Mutond est, selon ce document, mis en cause pour “tortures physiques et morales, arrestations arbitraires, détention illégale, menaces de mort, et tentative d’assassinat” sur Jean-Claude Muyambo Kyassa, ancien bâtonnier de Lubumbashi arrêté en 2015 et gracié début 2019, et Cyrille Doee Mumpapa, deux farouches opposants à Kabila depuis 2015.
Dans la soirée du 11 mars, Kalev Mutond a très discrètement rendu visite à Kitenge Yesu, le Haut représentant de Tshisekedi. Pour l’aider à plaider sa cause, l’ancien patron de l’ANR était accompagné d’Adolphe Lumanu, un ancien ministre resté proche de Joseph Kabila. Leur hôte n’a pas été réceptif à leur démarche et a demandé à Kalev Mutond de coopérer avec la justice. Le chef de l’État a été tenu informé de cette rencontre.
Les ennuis judiciaires de Kalev Mutond ont commencé après son interpellation et la confiscation de son passeport en février 2020, à l’aéroport international de Ndjili, à Kinshasa. Son équipe d’avocats, dirigée par le bâtonnier Cyprien Mbere Moba, dénonce un “acharnement politico-judiciaire et tribal.”
Avec Jeune Afrique