Sur demande du Président Ougandais, Kinshasa a autorisé en novembre 2021, après plusieurs hésitations, l’entrée des troupes Ougandaises pour combattre, ensemble, les ADF. Il faut dire que cette coopération militaire entre les deux Etats est fondée sur le Protocole de non-agression et de défense mutuelle de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) signé le 15 décembre 2006 à Nairobi (Kenya).

Ce Protocole traduit l’ambition de mutualisation, mieux d’interopérabilité militaire des pays de la Région.

Les objectifs de ce Protocole consistent, entre autres, à « élimer les menaces qui pèsent sur la paix, la sécurité, la stabilité et le développement durable dans la Région des Grands Lacs par le biais de la sécurité collective », et à « veiller à interdire à tout Etat membre de permettre l’utilisation de son territoire en tant que base pour l’agression ou la subversion perpétrée contre un Etat membre ».

Le double attentat a permis à l’Ouganda de mettre sur le tapis le questionnement du bien-fondé, pour l’armée congolaise, de continuer de mener seule les opérations « de grande envergure », lancées fin octobre 2019, contre les ADF.

En effet, l’article 8 (alinéa 4) du Protocole de non-agression et de défense mutuelle de la CIRGL engage les Etats parties, y compris la RDC, « à appréhender et désarmer, loin de leurs frontières communes, les membres des groupes armés qui utilisent ou tentent d’utiliser leurs territoires pour préparer ou organiser des attaques armées et/ou pour mener des activités subversives contre d’autres Etats ». Défi que la RDC, malgré sa bonne foi, n’a pas encore pu relever. L’Ouganda a ainsi disposé d’un argument pour plaider en faveur de son intervention militaire sur le territoire congolais. Car, suivant l’article 8 (alinéa 6) dudit Protocole, « Tout Etat membre dont les forces armées poursuivent des groupes armés en informe par notification les Etats membres vers les territoires desquels ces groupes sont en fuite, et demande à ces Etats de les intercepter, de les appréhender et de les désarmer ». Il est non moins intéressant de noter, à l’alinéa suivant, que « Tout Etat membre qui ne peut ou ne veut pas intercepter des groupes armés en fuite ou agissant sur son territoire sera encouragé à conclure des accords bilatéraux déterminant les conditions dans lesquelles les forces armées d’un autre Etat membre peuvent se lancer à la poursuite desdits groupes armés à condition que ces accords soient conformes aux objectifs du présent Protocole ».

Ces dispositions ont permis à l’Ouganda d’éprouver la volonté de la RDC de faire plus qu’il en a été, concernant la lutte contre ce groupe armé, y compris depuis l’entrée en vigueur de l’état de siège le 06 mai 2021. Ce, soit en admettant les opérations conjointes soit en autorisant l’armée ougandaise de poursuivre ses « ennemis » sur le territoire congolais.

Ces opérations militaires relèvent d’un essai de solution à un élément du problème d’insécurité dans la partie orientale du pays. A cet effet, il n’est pas inopportun de scruter les avis de ceux qui, considérant que le rapprochement entre les deux pays serait de l’ordre d’une paix fourrée, disent attendre impatiemment voir la fin des opérations conjointes contredire l’issue de tristes expériences en la matière.

Par ailleurs, la complexité de ce problème d’insécurité ainsi que la pluralité des parties prenantes et des acteurs réduisent la marge de pertinence des initiatives bilatérales.

C’est à ce titre que, dans sa résolution 2612 du 20 décembre 2021 sur la situation en RDC, le Conseil de sécurité a préconisé l’élaboration d’une « stratégie régionale intégrée » pour lutter efficacement contre la menace que font peser les groupes armés locaux et étrangers.

PM