Jean-Pierre Bemba contre Antipas Mbusa Nyamwisi

La création du Front de Libération du Congo

  1. A la suite de la fusion de deux mouvements politico-militaires, le Mouvement de Libération du Congo, MLC en sigle, de Jean-Pierre Bemba, et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Kisangani/Mouvement de Libération, RCD-K/ML en sigle, du professeur Ernest Wamba Dia Wamba, une nouvelle plateforme politico-militaire est créé le 16 janvier 2001 dénommée Front de Libération du Congo, FLC en sigle.
    Par consensus, Jean-Pierre Bemba est désigné président (chairman) du FLC, le professeur Ernest Wamba, président du congrès et Mbusa Nyamwisi coordonnateur du comité exécutif du FLC.
    Mécontent, le professeur Wamba se retire de la plate-forme et n’y exercera aucune activité.

Olivier Kamitatu (MLC) est nommé secrétaire général du FLC, François Muamba (MLC) aux finances, John Tibasima ( RCD-K/ML) aux mines, Dominique Kanku (MLC) aux affaires étrangères, Thomas Lubanga (RCD-K/ML) aux sports, Roger Lumbala (RCD-N) à la mobilisation et propagande, Thomas Luhaka (RCD-K/ML) adjoint aux activités militaires. . .

Les conséquences de la fusion

  1. La première conséquence logique de l’accord du FLC est la réunification des territoires contrôlés par les deux mouvements; territoires qui partent d’Imese-Zongo, à la frontière de la République Centrafricaine, jusqu’à Kasindi-Kanyabayonga, à la frontière avec l’Ouganda. Pratiquement, le FLC contrôlait les actuelles provinces du Nord-Ubangi, Sud-Ubangi, la Mongala, le Bas-Uele, zone MLC et le Haut-Uele, le territoire de Bafwasende (dans la province de la Tshopo), l’Ituri, les territoires de Beni et de Lubero (dans le Nord-Kivu), zone RCD-K/ML.
    L’étendue du territoire du FLC (800.000 km2) fait plus de deux fois la superficie de l’Allemagne et une fois et demie celle de la France.
    La deuxième conséquence est la fusion des armées. En réalité, les 20.000 hommes de l’ALC (Armée de Libération du Congo) ,la branche armée du MLC, vont absorber les 5.000 hommes de l’APC (Armée du Peuple Congolais), l’armée du RCD-K/ML. Ce qui fait que la nouvelle armée du FLC continuera de s’appeler ALC.
    La fusion des forces armées s’étend aussi à la Police et aux services de sécurité (ANR, DGM. . . ).
    La dernière conséquence est la réunification des administrations et autres services publics sous le contrôle du FLC (OFIDA, OCC, DGRAD,FPI. . . ).

Jean-Pierre Bemba s’installe à Beni

  1. Jean-Pierre Bemba décide d’installer son état-major politique et militaire à Beni, dans la concession ENRA, une usine de bois, appartenant à son père Jeannot Bemba; alors que Mbusa Nyamwisi, de son côté, décide d’aller en Afrique du Sud pour des raisons de santé.
    Après seulement trois mois de fonctionnement du FLC, le mécontentement des anciens cadres du RCD-K/ML commence à se faire sentir. Ces cadres reprochent aux cadres originaires du MLC, et qui sont venus nombreux à l’Est en provenance de l’Équateur, de se comporter comme en territoire conquis. Jean-Pierre Bemba essaie, tant bien que mal, de les rassurer. Mais l’absence prolongée de leur leader Mbusa Nyamwisi, absence considérée comme un exil qui ne dit pas son nom, ne le rassure pas du tout.

La cause immédiate de la guerre de Beni.

  1. Mais la cause du déclenchement des affrontements entre les deux forces armées dans la ville de Beni est un événement qui se passe dans la résidence personnelle de Mbusa Nyamwisi située dans le quartier Boykene. En effet avant son départ en Afrique du Sud, Mbusa a laissé 10 militaires pour garder sa résidence. Mais avec le temps, on remarque que le nombre des gardes ne fait que s’accroître progressivement; passant de 10 à 15, 20. . . jusqu’à dépasser la centaine. Chiffre que Mbusa a toujours contesté.

Mais d’où viennent ces militaires ?

N’ayant pas de Front militaire direct contre les FAC, Forces Armées Congolaises, l’armée du président Laurent-Désiré Kabila, et ses alliés angolais et zimbabwéens, les forces militaires du RCD-K/ML, avant la fusion avec le MLC, étaient concentrées à combattre principalement deux sources d’insécurité dans leur zone: le conflit ethnique Hema-Lendu en Ituri et les activités des ADF-NALU à Beni.

La lutte du RCD-K/ML contre les ADF-NALU.

En ce qui concerne cette lutte, les stratèges du RCD-K/ML (Mbusa Nyamwisi, Thomas Luhaka, commandant Messmer, commandant Kitenge. . . ) ont déployé une stratégie articulée sur quatre axes:

a. La recherche du soutien de la population, indispensable dans la lutte anti-guerrilla.

b. Le déploiement des petites unités militaires très mobiles dans la zone opérationnelle.

c. L’infiltration de l’organisation ennemie ADF-NALU

d. Le soutien de l’Ouganda, pays voisin d’où proviennent les ADF.

Il faut reconnaître que cette stratégie a donné de très bons résultats puisque les ADF-NALU étaient entrés en léthargie et la région était presque pacifiée totalement.
A l’arrivée du FLC et de Jean-Pierre Bemba à Beni, ce sont quelques-uns de ces militaires déployés dans la zone opérationnelle qui revenaient dans la ville.

Le déclenchement des affrontements

  1. Inquiété par la présence de ces hommes armés incontrôlés par son appareil militaire, d’autant plus que certains commençaient à commettre des exactions contre la population de Beni, Bemba va proposer à ces militaires de retourner dans leurs positions ou de rendre leurs armes.
    Les négociations entre ses émissaires et ces militaires de Mbusa traînant en longueur, Bemba va envoyer une compagnie militaire, une centaine d’hommes, sous les ordres du commandant Pepe, l’un des meilleurs officiers du FLC, pour communiquer son ultimatum aux soldats de la résidence de Mbusa.
    Arrivé sur place, le lundi 3 juin 2001, le commandant Pepe, commandant du 18e bataillon de l’ALC, déploie ses hommes en face de la résidence et s’avance seul, sans arme, pour parlementer avec les occupants de la résidence.
    Tout à coup, un coup de feu est tiré de la résidence, le commandant Pepe est touché en pleine tête; il s’effondre, mort !
    Jean-Pierre Bemba, qui suivait la situation sur son talkie-walkie (Motorola), est informé que les militaires de Mbusa viennent de tuer le commandant Pepe. Bemba, contre l’avis du colonel Burundi, le commandant du contingent ougandais présent à Beni, donne l’ordre à ses troupes de donner l’assaut de la résidence de Mbusa, pour neutraliser ces indisciplinés.
    La guerre de Beni vient de commencer !

Jean-Pierre Bemba est encerclé.

  1. Après quelques heures de combat autour de la résidence de Mbusa, les militaires retranchés vont recevoir des renforts d’autres unités du RCD-K/ML qui étaient déployées dans les environs de Beni et surtout, ils vont bénéficier de la sympathie du commandant de la brigade H de l’ALC, le commandant ” Oscar ” (pseudonyme), officier du RCD-K/ML et du colonel ougandais Burundi.
    Pour éviter que l’unité engagée dans les combats à la résidence de Boykene ne soit encerclée et exterminée par les hommes de Mbusa, Bemba donne l’ordre à la compagnie de replier à la concession ENRA où il se trouve lui-même en vue d’organiser la défense.
    Les militaires de Mbusa vont poursuivre les militaires de Bemba jusqu’à l’ENRA et encercler la concession.
    Jean-Pierre Bemba est en difficulté maintenant, mais il garde son sang-froid. Dans la concession, il est en compagnie des quelques-uns de ses proches, cadres du MLC, (François Muamba, Dominique Kanku, Maman Micheline Bie, Roger Nimy. . .). La grande partie de son armée est restée à l’Équateur. Il n’a amené à l’Est du pays que deux brigades (un peu plus de 5.000 hommes). Une brigade qu’il a déployé dans les opérations de pacification de l’Ituri et une deuxième brigade à Lubero, dans les opérations contre certains groupes mayi-mayi mais surtout pour surveiller la ” frontière ” de Kanyabayonga; limite qui sépare la zone du FLC et la zone du RCD-Goma.

Le rôle de la brigade de Butembo dans la guerre de Beni.

  1. La seule unité militaire sur qui Jean-Pierre Bemba peut espérer recevoir du secours dans les environs se trouve donc à Butembo, à 54 kilometres de Beni. Mais la brigade de Butembo se trouve présentement sous l’autorité de Thomas Luhaka, cadre du RCD-K/ML de Mbusa Nyamwisi, que Bemba avait envoyé en mission pour négocier le ralliement d’autres groupes des mayi-mayi au FLC tout en supervisant les opérations de pacification dans le territoire de Lubero.

Dès son arrivée à Butembo, Thomas Luhaka s’est installé avec un bataillon de l’ALC à Rughenda ( prononcer Rwenda), l’aérodrome de la ville.
Jean-Pierre Bemba l’appelle et lui donne l’ordre de rassembler toutes les unités de la brigade (le 26ème, le 27ème et le 31ème bataillon) déployées dans le territoire de Lubero à Butembo et de rester en alerte pour venir à tout moment en renfort à Beni.

Ayant compris que la seule force qui peut venir au secours de Jean-Pierre Bemba est la brigade de Butembo, Mbusa Nyamwisi envoie un émissaire, Eric Nzongomeka, ancien camarade de Thomas Luhaka dans l’armée, pour lui demander de ne pas bouger de Butembo parce que lui, Mbusa, veut régler le problème Jean-Pierre Bemba.

Ainsi Thomas Luhaka se trouve devant un dilemme: doit-il obéir à Jean-Pierre Bemba, président du FLC, en montant avec sa brigade à Beni ? Ou faut-il obéir à Mbusa Nyamwisi, chef de son mouvement d’origine, le RCD-K/ML, en décidant de ne pas bouger de Butembo et, par voie de conséquence, sacrifier Jean-Pierre Bemba ?

A suivre !

Par Thomas Luhaka Losendjola