Alors que le variant Delta continue de se propager sur la planète, un nouveau variant avec un nombre élevé de mutations, appelé « Omicron », vient d’être détecté pour la première fois en Afrique du Sud. Le variant « Mu » apparu pour la première fois en janvier en Colombie, avait été le dernier à être classifié par l’OMS comme un variant à suivre. Quelle est l’origine des variants ? Pourquoi certains sont-ils plus dangereux ? Et surtout, quelle incidence dans la lutte contre la Covid-19 et la vaccination ?

Etienne Simon-Lorière, virologue et responsable de l’unité Génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur donne des explications au magazine français science et vie.

Les virus mutent constamment. Le SARS-CoV-2 est un virus à ARN – virus dont le génome est composé d’acide ribonucléique – qui se réplique en recopiant l’entièreté des bases de son génome. Il fait partie de la famille des virus à ARN avec les génomes les plus longs connus jusqu’ici, comptant environ 30 000 bases. Cette taille ne fait que rendre la tâche de copie plus susceptible aux « erreurs » ou autrement-dit, aux mutations.

Une mutation arrive donc quand une copie n’est pas identique à l’original. « La copie est faite très rapidement, et de temps en temps les virus font une coquille et remplacent une lettre dans la suite des lettres qui constituent leur génome ». Les mutations arrivent plus fréquemment chez les virus à ARN que ceux à ADN ou encore chez les bactéries, éclaircit Etienne Simon-Lorière, de l’Institut Pasteur.

Vous serez peut-être étonnés, mais le SARS-CoV-2 est pourtant muni d’un « système de correction » qui lui permet de corriger une partie des erreurs de copie. Certaines erreurs ne sont pas réparées et c’est à ce moment-là qu’une mutation nait. « Ces mutations du virus sont complètement aléatoires » souligne Etienne Simon-Lorière.

Dans la plupart des cas, une mutation est soit négative, rendant le virus moins ou non fonctionnel, soit « silencieuse » et sans conséquence pour les propriétés du virus. « De très nombreux variants se sont développés depuis le début de la pandémie mais se sont éteints quasi immédiatement », éclaire le chercheur. De plus, les scientifiques ont noté que, malgré un nombre élevé de bases, le génome du SARS-CoV-2 mute moins vite que d’autres virus.

Néanmoins, le suivi génomique du virus a mis en évidence des variants de la souche originelle qui ont eu un grand succès épidémiologique. Il y a une perspective de temps et d’intensité à prendre en compte pour comprendre ce phénomène : plus il y a de transmissions, plus il y a de chances que le virus génère par hasard une combinaison de mutations un peu plus transmissible.

La diffusion d’un variant est liée en partie au hasard, et en partie aux forces de sélection auxquelles le virus est confronté. « Pour le SARS-CoV-2, son environnement correspond aux voies respiratoires humaines. C’est dans cet environnement-là que le virus se réplique et se transmet, et que des variants peuvent être sélectionnés » décrit Etienne Simon-Lorière.

« Si une ou des mutations apparues par hasard permettent au virus de se répliquer ou se transmettre plus efficacement, il y a de bonnes chances que cette mutation se diffuse : c’est ce que nous estimons pour les variants préoccupants ou d’intérêt »

explique Etienne Simon-Lorière, virologue à l’Institut Pasteur.

Au niveau microbiologique, beaucoup d’attention est portée à la protéine spike du SARS-CoV-2. Ce sont ces protéines « S » en forme de piques (donnant au virus son aspect de « couronne ») qui s’accrochent à nos cellules pour que le virus y pénètre. La protéine Spike est ainsi impliquée dans la réplication, la transmission, et la capacité à échapper aux défenses immunitaires. Elle est par conséquent, l’un des principaux angles d’attaque pour les chercheurs travaillant sur les vaccins.

Les variants Alpha, Beta et Gamma par exemple, portent tous les trois une mutation sur la protéine Spike en position 501 (N501Y), qui a été associée à une interaction plus efficace avec notre récepteur cellulaire ACE2. Dans le cas du variant Delta, la mutation P681R au niveau du « site de clivage par la Furine » semble permettre une activation plus efficace de la protéine Spike. En effet, la protéine spike ne devient active que lorsqu’elle est coupée en 2 parties. Avec cette mutation, une plus grande proportion de virus « activés » seraient générés.

La propagation accélérée des variants comme Alpha puis Delta a vraisemblablement contribué à placer de nombreux pays dans une situation tendue. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’une épidémie devient plus dangereuse : la pandémie d’influenza en 1918 a témoigné d’une deuxième vague jusqu’à 6 fois plus létale que la première.

L’immunité moins efficace face aux variants : le cas du variant Mu.

Selon les pathogènes, il peut s’avérer nécessaire de mettre à jour les vaccins. Pour certains virus comme la rougeole ou la fièvre jaune, les vaccins initiaux sont restés d’actualité. Par contre, le vaccin de la grippe doit être actualisé certaines années.

Le problème de l’échappement immunitaire se présente notamment lorsque le virus s’éloigne suffisamment de la souche originale. C’est modérément le cas pour le variant Beta ou le variant Delta par exemple, qui contiennent de nombreuses mutations, mais pas assez pour échapper entièrement à la réponse immunitaire. Heureusement, l’immunité générée après exposition naturelle ou par les vaccins semble cibler plusieurs régions de la spike, entre autres. Les anticorps peuvent ainsi reconnaître différentes régions de la protéine et ont donc toujours la capacité de la bloquer, même si certaines parties ont muté.

En bref, les anticorps continuent aujourd’hui à neutraliser le virus, mais ceci est surveillé activement pour les nouveaux variants.

« On n’a pas encore un variant qui échappe complètement à la réponse immunitaire acquise par l’exposition au virus ou par la vaccination »

Etienne Simon-Lorière, chercheur virologue à l’Institut Pasteur.

Le variant Mu, le dernier à être catalogué « variant à suivre », semble avoir une arborescence de mutations qui lui confèrent une plus grande capacité d’évasion immunitaire, selon les derniers communiqués de l’OMS. « Les données préliminaires présentées au groupe de travail sur l’évolution des virus montrent une réduction de la capacité de neutralisation des sérums de convalescents et de vaccinés » a indiqué l’OMS dans son rapport épidémiologique datant du 31 août.

Selon des études préliminaires, le variant Mu pourrait avoir des similitudes avec le variant Beta, mais cela reste à confirmer, ajoute le rapport de l’OMS. Ce sont donc deux variants à cibler pour les laboratoires, bien qu’ils semblent être moins contagieux. « Il y a des positions suspectes car on les a vues dans d’autres contextes réduire le blocage par des anticorps, mais on sait que ce Mu n’est pas un variant qui réduira l’efficacité du vaccin ou l’immunité naturelle à zéro » précise Etienne Simon-Lorière. « Etant donné la transmission si accélérée du Delta, celui-ci reste globalement plus préoccupant que le Mu finalement (hormis les pays qui présentent une majorité de cas de « Mu » comme la Colombie ou l’Equateur) », ajoute-t-il.

Quelques laboratoires ont déjà commencé à travailler à l’actualisation de leur vaccin, en particulier pour qu’ils puissent demeurer efficaces contre les variants Alpha, Delta ou Beta et Gamma. Ces derniers, respectivement détectés en Afrique du Sud et au Brésil, ont été associés avec un échappement à une partie des anticorps par exemple, à cause de leur mutation E484K dans la spike.

La priorité est donc une distribution équitable des vaccins dans le monde, affirme le virologue de l’Institut Pasteur : « que le doses aillent dans les pays où la couverture vaccinale est encore basse pour l’instant : notamment l’Afrique, l’Amérique du Sud ou l’Asie du Sud-Est ». Plus il y aura de personnes immunisées, plus on limitera la diffusion du virus et donc le risque de mutations aléatoires qui pourraient peut-être un jour, générer un variant qui échapperait totalement à la réponse immunitaire, quelle soit post-vaccinale ou post-infectieuse.