La proposition de loi verrouillant l’accès aux fonctions de Président de la République aux seuls Congolais nés de père et de mère a fini par envenimer le climat politique. Quoi qu’initié par Noël Tshiani, ancien candidat à la présidentielle de 2018, et portée à l’Assemblée nationale par le député national Nsingi Pululu, élu de Kinshasa/Funa, c’est essentiellement sur le parti présidentiel, l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), que s’exerce toute la pression autour de cette proposition de loi. Dans la lignée des évêques membres de la Cénco (Conférence épiscopale nationale du Congo), Ensemble pour la République de Moïse Katumbi et le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ancien chef de l’Etat, Joseph Kabila, menacent de recourir à la rue pour barrer la route à une proposition de loi, dite «conflictogène». A l’UDPS, on se prépare à tout.

Le parti au pouvoir, l’Udps, est au cœur de toutes les critiques en rapport avec la proposition de loi, dite Noël Tshiani, portée à l’Assemblée nationale par le député national Nsingi Pululu. Selon son initiateur, cette proposition de loi impose de sévère restrictions pour l’accès à certaines fonctions régaliennes, notamment la fonction de Président de la République, en ne les réservant qu’aux seuls congolais nés de père et de mère. Dans la classe politique, c’est le tollé général, tout comme dans l’opinion publique où les avis divergent.

Pour l’instant, c’est l’UDPS qui est pointé du doigt. Tous l’accusent d’avoir instrumentalisé aussi bien Noël Tshiani que le député Nsingi Pululu pour exclure de la course présidentielle de 2023 certains concurrents gênants.

Cette proposition de loi a créé une vague d’indignation dans les rangs des partisans de Moïse Katumbi Chapwe, leader du parti politique de Ensemble pour la République. Si la proposition de loi, initiée par Noël Tshiani, et portée à l’Assemblée nationale par le député national, Nsingi Pululu, semble être impersonnelle, les partisans de Katumbi sont convaincus qu’elle viserait personnellement leur leader.

Réunie en urgence jeudi à Kinshasa, la direction politique de Ensemble pour la République a, dans un communiqué rendu public vendredi 9 juillet 2021, mis en cause le parti au pouvoir, l’UDPS, qu’elle considère comme le principal instigateur de cette proposition de loi.

Si Ensemble pour la République, qui dispose d’un nombre confortable de députés nationaux, se dit prêt à reconsidérer sa participation dans l’Union sacrée de la nation, ce mouvement politique né après la rupture de la coalition FCC-CACH, il accorde cependant un sursis à son partenaire, l’UDPS du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, à revenir sur cette proposition, dont Noël Tshiani, se dit-on dans l’entourage de Katumbi, ne serait qu’un sous-traitant, et l’honorable Nsingi Pululu, son remorqueur dans la chambre basse du Parlement.

ENSEMBLE POUR LA RÉPUBLIQUE SORT SES GRIFFES

Dans le communiqué issu de sa réunion du jeudi 8 juilet 201, «Ensemble pour la République s’oppose catégoriquement à cette proposition de loi qui voudrait légaliser une forme de ségrégationnisme identique à celle pratiquée par les régimes nazi et de l’apartheid du XXème siècle». Puis de menacer dans des termes non voilés : «Toute éventuelle inscription aux calendriers des travaux de l’Assemblée nationale de ce texte consacrera la rupture définitive et irréversible au sein de l’Union sacrée…».

Face à ce qu’il considère comme une remise en cause des principes intangibles contenus dans la Constitution, Ensemble pour la République appelle, par conséquent, le peuple «à la plus grande vigilance» pour éviter à ce que le pays bascule dans «un nouveau cycle de violences et de crises aux conséquences aussi incalculables que funestes».

Si, dans son communiqué, la direction politique de Ensemble de la République paraît modéré dans son langage, Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, n’est pas allé par le dos de la cuillère.

Dans sa prise de position, il tire à bout portant sur le Président de la République qui, selon lui, est le principal artisan de cette action qui vise à disqualifier Moïse Katumbi de la présidentielle de 2023.

«Si on annonce une candidature deux ans et demi avant l’échéance, et que l’on commence déjà à envisager l’élimination des autres candidats, c’est un problème», suspecte Olivier Kamitatu, cité par Stany Bujakera sur son compte twitter.

Il y a cependant une issue pour désamorcer cette bombe latente, estime Olivier Kamitatu. «Là, nous risquons de franchir la ligne rouge. Soit cette proposition est retirée, soit nous nous retirons de l’Union sacrée», prévient-il.

LE FCC EMBOÎTE LE PAS

Réunie le 9 juillet 2021, la conférence élargie des présidents du FCC a vivement réagi au «dépôt, par un député de l’Union sacrée de la nation, de la proposition de loi modifiant et complétant la loi sur la nationalité».

Dans la déclaration signée par ceux qui sont encore restés fidèles à Joseph Kabila, le FCC «s’indigne et s’oppose contre cette proposition de loi rétrograde qui est à la fois anticonstitutionnelle, inopportune, discriminatoire et conflictogène. En effet, la Constitution de notre pays détermine clairement et sans ambiguïté les conditions d’éligibilité et d’accessibilité aux différentes fonctions au sein des institutions de la République. Par ailleurs, la même Constitution protège tous les Congolais de façon égalitaire dans la jouissance de leurs droits (Articles 10, 12 et 72). Elle interdit ainsi formellement toute forme de discrimination et d’exclusion (Article 13). Aucune loi ne peut donc avoir pour ambition de modifier ou dénaturer les dispositions de la Constitution ». Et d’ajouter : «Le FCC s’indigne et s’oppose aussi contre cette proposition de loi parce qu’elle met à mal l’unité du pays, la paix et la cohésion nationale chèrement acquises et risque d’hypothéquer les acquis démocratiques ainsi que le processus électoral. Le FCC rappelle, à cet effet, que dans un passé récent, l’exclusion et la discrimination avaient suscité et justifié des velléités de partition et de balkanisation de notre pays (Goma, Gbadolite et Kinshasa), qui avait de ce fait failli disparaître comme Etat et comme Nation».

Le FCC poursuit en ces termes : «Ayant fait le serment de veiller à ces acquis, héritage du passage de son Autorité Morale, Joseph Kabila Kabange, à la tête du pays, le FCC constate qu’il ne peut malheureusement pas compter, pour les protéger, moins encore pour faire respecter la Constitution qui en est la garantie, sur une majorité parlementaire artificiellement fabriquée, au mépris desdits acquis et en violation de la Constitution et des lois de la République. Dans l’intérêt supérieur de la nation, le FCC exhorte donc toutes les forces politiques et sociales éprises de paix, ainsi que la population congolaise en général, à se mobiliser pour faire échec à cette proposition de loi inique. Il s’engage, pour sa part, à mobiliser à cette fin tous ses élus, députés nationaux et sénateurs, ainsi que les millions de ses adhérents répartis sur l’ensemble du territoire national».

A l’instar des partisans de Moïse Katumbi, «le FCC tient à alerter l’opinion tant nationale qu’internationale sur le danger que cette proposition de loi représente pour l’avenir du pays et sur les conséquences incalculables pour la stabilité de la RDC et celle de l’ensemble de la région des Grands Lacs, au cas où la volonté des initiateurs visibles et invisibles de ladite proposition de loi viendrait à triompher».

L’UDPS À LA DÉFENSIVE

Mise en cause dans cette proposition, l’UDPS a fini par sortir de son mutisme. Et son tout bouillant secrétaire général, Augustin Kabuya, qui s’est chargé de remettre les pendules à l’heure, en prenant directement pour cible les partisans de Moïse Katumbi.

«En quoi, l’UDPS et le chef de l’État sont-ils concernés par la proposition de loi de Tshiani déposée par le député Nsingi Pululu à l’Assemblée nationale ? Depuis quand Noël Tshiani et Nsingi Pululu sont-ils devenus membres de l’UDPS ? Ce n’est pas parce que Tshiani est kasaïen que d’office sa proposition de loi peut être attribuée à l’UDPS. Il y a plusieurs kasaïens qui ont travaillé avec Kabila et qui n’ont jamais soutenu l’UDPS. Comment Tshiani qui a été candidat président, aligné à la même compétition que nous, sans nous en laisser la moindre chance, peut-il être considéré comme notre allié ? Je dis à tous ceux qui veulent faire croire aux gens qu’ils aiment bien Moïse Katumbi d’arrêter d’importuner le chef de l’État et l’UDPS. Nous ne sommes pas concernés par cette proposition de loi. Notre silence n’est pas un signe de faiblesse. En cas de récidive, nous utiliserons les mêmes méthodes et mêmes moyens, nous nous mobiliserons pour donner une réponse proportionnelle à toutes leurs importunités», a tonné Kabuya, cité par le site d’infos en ligne ouragan.cd.

Alors que les partisans de Moïse Katumbi soupçonnent la main noire du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, derrière l’initiative de Noël Tshiani, Augustin Kabuya dégaine : « Si ceux qui veulent rançonner et soutirer de l’argent au président de Ensemble pour la République pensent que l’UDPS a peur d’aller en compétition électorale avec Moïse Katumbi, c’est une vaste blague. Félix Tshisekedi est très tranquille, il n’a pas peur de compétir avec Moïse Katumbi qu’il a fait revenir au pays. Tout le monde le sait, c’est grâce à Félix Tshisekedi que Moïse Katumbi a recouvré son passeport et qu’il est rentré au pays avec tous ces flatteurs qui pensent bien se jouer du chef de l’État aujourd’hui. Comment l’UDPS qui a eu des démêlés avec ses anciens alliés du FCC au sujet du retour de Moïse Katumbi peut-elle aujourd’hui le combattre de manière sournoise ? D’ailleurs, si cela ne dépendait que de moi, je souhaite que Moïse Katumbi soit candidat aux élections, nous lui ferons voir que l’UDPS est une grande machine électorale, nous allons tout rafler sur notre passage ». Si ça bouillonne sur le terrain, l’avenir de la proposition de loi Tshiani se joue à l’Assemblée nationale. Seuls les députés nationaux auront le dernier mot sur l’initiative portée par l’un d’entre eux, en l’occurrence Nsingi Pululu, l’élu de la Funa (Kinshasa).

Rédaction