Dans le cadre de son mandat, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en République Démocratique du Congo assure un suivi étroit de la situation des droits de l’homme et analyse les tendances des violations et atteintes commises dans le pays. Ces tendances sont régulièrement partagées avec les autorités afin qu’elles prennent les actions nécessaires, y compris traduire en justice les auteurs présumés de ces faits.
En 2023, le BCNUDH a documenté 5.273 violations et atteintes aux droits de l’homme sur l’ensemble du territoire, une moyenne de 439 violations et atteintes par mois. Ce qui représente une diminution de 12 % par rapport à l’année précédente, confirmant une tendance déjà observée au cours des deux années précédentes. Cette diminution reflète notamment la baisse du nombre de violations et atteintes dans les cinq provinces en conflit en 2023, avec 4.473 violations et atteintes en 2023, contre 5.091 en 2022.

A l’instar des années précédentes, les membres de groupes armés ont commis le plus grand nombre d’atteintes aux droits de l’homme, avec une proportion de 64 % (3.349 atteintes) sur l’ensemble des atteintes et violations documentées sur l’étendue du territoire national. Le nombre de violations des droits de l’homme documentées par le BCNUDH et attribuées à des agents de l’Etat, sur l’ensemble du territoire de la République Démocratique du Congo, a diminué de 19 %, passant de 2.400 violations en 2022, à 1.947 violations en 2023.
La majorité de ces violations et atteintes ont été commises dans les provinces affectées par le conflit, notamment par les membres de groupes armés (3.107 atteintes, soit 77 %). Les agents de l’Etat ont été responsables de 900 violations (soit 22 %).
Nonobstant la diminution du nombre de violations et atteintes aux droits de l’homme, la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo s’est dégradée en 2023 en raison de la persistance des attaques des Forces démocratiques alliées (ADF), de la Coopérative de développement du Congo (CODECO), du Mouvement du 23 mars (M23) et de diverses factions Maï-Maï, Nyatura et autres Twirwaneho et Ngumino en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. L’aggravation des conflits intercommunautaires dans les provinces de Maï-Ndombe et de la Tshopo a également contribué à la détérioration de la situation des droits de l’homme dans les provinces concernées.

Augmentation d’un pour cent des violences sexuelles

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023, le BCNUDH a documenté des cas de violences sexuelles liées aux conflits ayant affecté 527 victimes (509 femmes et 18 hommes), ce qui représente une augmentation de 1 % par rapport au nombre de victimes (514) pour 2022. Les membres de groupes armés ont été responsables de 83 % de ces violences sexuelles, avec un total de 437 victimes.

Le groupe de travail sur le monitoring et le rapportage des six graves violations contre les droits de l’enfant a constaté une augmentation de plus de 10 % du nombre total de violations vérifiées par rapport à l’année précédente. Les élections de décembre 2023 se sont tenues dans un environnement marqué par des restrictions de l’espace civique ainsi que l’exacerbation des inégalités et de la pauvreté affectant particulièrement les femmes, les enfants, les personnes âgées, celles vivant avec handicap et celles atteintes d’albinisme.
Dans l’est du pays, le M23 a particulièrement ciblé les membres de la société civile et les journalistes dans les zones sous son contrôle. Les agents de l’Etat ont commis le plus de violations en relation avec les élections (215 violations sur les 287 documentées). Onze civils ont été tués par des membres de groupes armés et onze autres par les agents de l’Etat tout au long du processus.
Au cours de l’année 2023, le BCNUDH a continué de soutenir les efforts des autorités nationales pour améliorer le comportement des forces de défense et de sécurité. Soixante-huit formations et séances de sensibilisation ont été organisées au profit de 2.052 hommes et 354 femmes appartenant à la Police nationale congolaise (PNC), aux Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et aux autres forces de sécurité. Aussi, dans le cadre du soutien aux forces de sécurité congolaises par les Nations Unies, le Secrétariat de la Politique de diligence voulue en matière des droits de l’homme au sein du BCNUDH a conduit 347 analyses de risque au cours desquelles au moins 819 profils des officiers des FARDC, agents de la PNC et autres individus ont été examinés.

Efforts de lutte contre l’impunité des autorités congolaises

En 2023, les autorités ont déployé d’importants efforts pour lutter contre l’impunité des violations et atteintes aux droits de l’homme. 599 personnes (107 militaires des FARDC, 14 agents de la PNC, 319 membres de groupes armés et 159 civils) ont été condamnées pour des infractions en lien avec des violations et atteintes aux droits de l’homme. Le BCNUDH a poursuivi son appui aux autorités judiciaires dans ce domaine, notamment en leur fournissant l’expertise médico-légale.
A titre illustratif,le BCNUDH a apporté un appui logistique et financier à l’organisation de 11 missions d’enquêtes, notamment une dans la province du Tanganyika, huit au Sud-Kivu et deux en Ituri. En 2023, l’équipe médico-légale du BCNUDH a réalisé neuf autopsies et organisé plusieurs activités de renforcement des capacités au profit des acteurs judiciaires.
Dans le domaine de la justice transitionnelle, le BCNUDH a continué de soutenir le développement du processus national de justice transitionnelle centré sur les besoins des victimes, notamment en fournissant l’expertise technique au ministère des droits humains dans l’organisation des consultations populaires sur la justice transitionnelle et soutenant l’opérationnalisation de de la Commission provinciale vérité, justice et réconciliation du Kasaï Central.

La République Démocratique du Congo a maintenu et renforcé la coopération avec le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme. Le 12 décembre 2023, dans le cadre de la commémoration des 75 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dans une déclaration lue lors du segment de haut niveau par Me Albert-Fabrice Puela, ministre des droits humains, le président Tshisekedi pris, au nom de la République Démocratique du Congo et en son nom propre, cinq engagements majeurs pour renforcer la protection des droits :
(1)mettre tout en œuvre pour réduire, à travers la prévention, la prise en charge et la répression judiciaire, les cas de violences contre les femmes et les filles ; et poursuivre la mise en œuvre des engagements pris au niveau continental dans le cadre de la masculinité positive ;
(2)faire du droit au développement une réalité à travers des politiques et mesures législatives dans divers domaines y compris dans le secteur des industries extractives pour lever les obstacles au développement et assurer la durabilité environnementale et matérialiser la réalisation des droits des personnes vivant avec un handicap ou le VIH/SIDA ainsi que celles atteintes d’albinisme et peuples autochtones pygmées par des mesures concrètes dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle, de l’habitat, de la santé, de l’emploi et de l’accès à la justice ;
(3)renforcer la protection des civils grâce à une police de proximité et une armée républicaine respectueuse des droits de l’homme ainsi qu’à travers des mécanismes efficients de redevabilité tels que l’auditorat militaire et l’inspection générale de la police et Renforcer également la lutte contre l’impunité à tous les niveaux y compris le recours à l’expertise médico-légale; aussi bien pour les abus et violations des droits civils et politiques que pour le droit au développement et les droits économiques, sociaux et culturels; à travers des cours et tribunaux indépendants et disposant des ressources humaines et matériels répondant aux besoins des populations congolaises ;
(4) promouvoir la justice transitionnelle à travers la mise en œuvre de la politique nationale de justice transitionnelle sur toute l’étendue de la République démocratique du Congo et Soutenir activement la redynamisation de l’Entité de liaison des Droits Humains qui est l’unique cadre de concertation et de collaboration impliquant les acteurs nationaux et internationaux œuvrant dans la promotion et la protection des Droits de l’Homme ; et
(5)renforcer l’espace civique à travers la protection des droits des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes et l’appui aux organisations et associations communautaires engagées dans l’inclusion et la participation des femmes et des jeunes dans les initiatives visant la promotion de la paix, de la cohésion sociale, le développement local et la protection de l’environnement en République démocratique du Congo.

Le Conseil des droits de l’homme a également adopté la résolution 51/36 portant Assistance technique et renforcement des capacités dans le domaine des droits de l’homme en République démocratique du Congo. En application de cette résolution, l’équipe des experts internationaux en République Démocratique du Congo a effectué ses missions dans le pays et notamment à Kananga en appui aux activités de la Commission Provinciales Vérité Justice et Réconciliation.
Enfin, le BCNUDH a continué à soutenir les autorités nationales dans le cadre des activités visant à améliorer la situation des droits de l’homme. Au moins 326 activités ont été organisées au cours de l’année sur l’étendue du territoire national au profit d’au moins 13.892 hommes et 5.639 femmes (soit 19.531 personnes).
Les performances de la République Démocratique du Congo en matière des droits de l’homme seront revues cette année 2024 par le Conseil des Droits de l’Homme. A travers le BCNUDH, la MONUSCO et l’ensemble des agences, fonds et programmes des Nations Unies en République Démocratique du Congo vont accompagner le Gouvernement, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et les organisations de la société civile durant le quatrième cycle de l’Examen Périodique Universel du Conseil des Droits de l’Homme et dans la mise en œuvre de ses cinq engagements pris en décembre 2023 par les autorités pour une plus grande protection des droits humains en République Démocratique du Congo.