Henri Thomas Lokondo était une voix intelligente, portée par une superbe, à la fière allure dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Une voix qui déchirait, tel un stentor, l’enceinte de la salle de Plénière de ses contributions aux matières législatives et de contrôle parlementaire. Une voix qui manquera et fera défaut aux grands moments et aux grandes joutes parlementaires. Elle était connue des jeunes et des plus âgés.

Je voudrais commencer aujourd’hui, comme de coutume, Henri-Thomas ouvrait son propos par une précaution oratoire de principe.

« Honorable Président, après tout ce qui a été dit et entendu, je n’ai plus grand-chose à ajouter, je dirais même sans objet ; néanmoins… ». C’était du LOKONDO ! De son ‘’sans objet’’ jaillissait avec fulgurance et netteté, une idée qu’il avait choisi de défendre, toujours avec élégance et respect de l’autre, mais souvent avec une ferme conviction de convaincre la plénière et d’emporter son adhesion. Et si par intérêt, par opportunité, par mot d’ordre, la plénière rejetait, il y avait chez lui, le sentiment du devoir accompli et cette jubilation à la Stefan Zweig : « Pas de défaite pour un esprit libre ». C’était sa marque d’humilité et de compromis, jamais dans le péremptoire ou dans les affirmations intempestives, toujours dans l’explication, la cohérence du propos, le choix des mots et des concepts.

Henri-Thomas LOKONDO cultivait cette excellente singularité des grands esprits indépendants et libres, dont l’acharnement à la défense de leurs propres idées n’a d’égale que l’étendue d’ouverture aux idées des autres. Sans complaisance pour autant que cela intègre une certaine idée de la liberté, de la justice et de la République. Ce n’était pas un homme d’idéologie, pétri de pragmatisme, il n’élevait pas en citadelles ses idées, et pouvait au détour d’une confrontation concéder à la raison.

Comme tous ceux qui cultivent ces valeurs, Henri Thomas LOKONDO avait semblé parfois agaçant pour certains et incompris pour d’autres. Il était de son camps, sans en être lorsqu’il faut y combiner la foi d’une religion à la discipline d’une armée. Il en était sans compromission ni complaisance.

Le camp politique n’était pour lui, ni un camp retranché, ni un horizon indépassable de la pensée. Etre d’un camp ne signifiait pas abdiquer de sa raison pratique, de sa faculté de juger ni du bon sens. Etre d’un camp c’était transcendant, parce c’était encore et parallèlement appartenir à la République et à l’Etat congolais.

Comme ce matin du 2 juillet 2011 quand au bout du fil, comme il nous arrivait d’échanger sur des questions d’intérêt national vint l’idée de lancer un appel et de trouver, au-dela des clivages politiques les moyens de construire un consensus sur les questions électorales. Spontanément, il dit : « je pense également la même chose. J’assume et j’expliquerai aux miens l’intérêt de la démarche». Et malgré les pressions, il n’en démordra plus jusqu’à la fin de ses jours. Comme il est beau de se rencontrer dans ces frontières intérieures de l’esprit : sauver la Nation, au-delà de nos camps politiques devint l’idée du G13, son dernier refuge et point ralliement avec d’autres camarades.

Au sein du G13, Henri Thomas LOKONDO aura été de toutes les batailles. Travailleur acharné, méticuleux dans l’analyse des textes et force de proposition, il aura contribué à ce qu’il estimait être l’un des livrables tangibles de notre travail à savoir : la proposition de loi électorale déposée à l’Assemblée nationale. Il est de ceux qui ne jurait que par le dépôt de cette initiative législative collective. Il manquera à sa défense, il en connaissait les articulations et les enjeux.

Malgré sa maladie, se battant avec courage et dignité, il ne s’est jamais départi de l’intérêt pour les affaires nationales dont il prenait des nouvelles. Il espérait tant contribuer au débat sur tous ces enjeux qui déchirent encore notre pays.

Dans son humour, il nous rappelait son expérience et surtout son âge, 65 tonnes, dont on lui disait qu’elles n’étaient rien et que le pays avait encore besoin de lui. Mais il avait raison, comme dit Blaise Pascal dans les fragments : « Mort soudaine seule à craindre, et c’est pourquoi les confesseurs demeurent chez les Grands ». Tu nous l’avez confessé et tu as été un Grand. Nous défendrons cette loi que nous avons élaboré ensemble avec la vigueur qui avait été la vôtre. Lors du dernier point de presse du G13 auquel il a participé avant son hospitalisation, il a confié : il ne faut pas rechercher le pouvoir pour le pouvoir, mais le pouvoir pour pouvoir. Belle leçon d’engagement politique et citoyen au service de la Nation et de l’Etat que nous retiendrons. 

Au nom du G13, je vous dis ADIEU CHER HENRI THOMAS LOKONDO.

COMPAGNON G13, Delly Sesanga