Répondant aux questions du media chinois, Chinois SouthChina Morning Post, le premier ministre honoraire de la République Démocratique du Congo, Adolphe Muzito affirme que, les Congolais se sentent lésés par les méga-accords d’infrastructure contre les minéraux impliquant le cobalt, un élément clé des batteries de véhicules électriques.

Sous le scanner se trouvent l’accord de 6 milliards de dollars de Sicomines avec des entreprises chinoises, et la sous-déclaration présumée par China Moly des réserves de la mine géante de Tenke.

Alors qu’une grande partie du monde électrifie ses voitures en dépendant de plus en plus de la République démocratique du Congo, ce qui devrait être bénéfique pour le pays, mais la réalité dit le contraire.

Les gens pensent qu’ils ont été lésés par les sociétés étrangères qui contrôlent l’extraction et la transformation du métal. Le Président Félix Tshisekedi a déclenché une tempête l’an dernier, accusant ses prédécesseurs d’avoir signé des contrats déséquilibrés avec des sociétés minières pour la plupart chinoises et disant vouloir les renégocier.

“La RDC n’avait pas beaucoup profité des accords miniers signés avec des entreprises chinoises”, a déclaré Muzito.

Signalons tout de même que l’initiateur de Nouvel Élan a été premier ministre de la RDC sous l’administration du président Joseph Kabila entre 2008 et 2012, et c’est à cette époque que le pays a conclu de méga contrats d’infrastructure pour les minéraux.

“ Le gouvernement actuel affirme que ces accords étaient biaisés en faveur des entreprises étrangères et des politiciens congolais d’élite. Le partenariat entre la RDC et la Chine… mon pays n’a rien retiré de l’accord Sino Congolaise des Mines (Sicomines)”, insiste Muzito à propos de l’accord de 6 milliards de dollars américains sur les infrastructures contre les minéraux signé par le gouvernement Kabila avec des investisseurs chinois en 2008

L’accord a permis aux entreprises chinoises de se voir offrir du cobalt et du cuivre en échange de la construction d’infrastructures.

Dans le cadre de cet accord, la société publique congolaise de négoce de matières premières et d’exploitation minière Gécamines a formé une coentreprise nommée Sicomines avec un consortium d’entreprises chinoises, dirigé par Sinohydro et China Railway Engineering Corporation, pour développer une mine de cuivre et de cobalt pour 9 milliards de dollars.

Cependant, la valeur a été renégociée à 6 milliards de dollars américains après une poussée du Fonds monétaire international (FMI), par crainte qu’elle ne plonge le Congo plus profondément dans l’endettement.

“ L’entrée de la Chine en RDC avait comblé un vide laissé par les occidentaux, bien qu’ils soient historiquement et géopolitiquement plus proches de nous”, estime  Adolphe Muzito avant d’ajouter : “ La chose la plus importante était que la RDC obtienne les avantages qu’elle méritait”.

Les infrastructures du Congo sont tombées en ruines sous l’ancien dictateur kleptocratique Mobutu Sese Seko, après la fin de la domination coloniale belge en 1960. La plupart de ce qui restait a été détruit lors de la guerre interétatique africaine de 1998-2003.

Après des années d’instabilité et de mauvaise gestion économique, de nombreuses entreprises occidentales n’ont pas développé leurs sites miniers tandis que d’autres se sont désinvesties du pays.

L’accord Sicomines était un élément clé du programme de reconstruction d’après-guerre de Kabila pour la nation à court d’argent.

Sur l’accord de 6 milliards de dollars américains, la Chine devait utiliser 3 milliards de dollars américains pour investir dans l’industrie minière et investir le reste dans les infrastructures. Cependant, les entreprises chinoises ont commencé à exploiter les minerais avant même que les 3 milliards de dollars américains qui devaient être consacrés à la construction d’infrastructures en RDC aient été déboursés.

“ Seuls 800 millions de dollars ont été décaissés, mais toujours aucune infrastructure en vue. C’est une injustice ”, a-t-il déclaré à Bruxelles la semaine dernière.

La RDC contrôle plus de 60% des réserves mondiales de minerai de cobalt, qui est principalement exporté vers la Chine pour être transformé en batteries pour voitures électriques, armes, machines et appareils électroniques.

Pour ce leader de Lamuka, alors que la RDC s’apprêtait à revoir les contrats miniers, il était important d’assurer une renégociation juridiquement juste et transparente “pour trouver une solution équitable qui préserve les droits des investisseurs et du peuple congolais”.

Une enquête récente menée par un consortium mondial de publications médiatiques et d’ONG a révélé comment les propriétaires chinois de certaines des mines de cuivre et de cobalt les plus prisées du Congo ont utilisé l’une des plus grandes banques d’Afrique pour acheminer au moins 138 millions de dollars de fonds publics vers la famille et les associés de Kabila, selon Bloomberg.

La RDC est également sous la pression du FMI pour “nettoyer les accords miniers déséquilibrés accordés aux entreprises étrangères” comme condition préalable à une nouvelle ligne de crédit de 1,5 milliard de dollars.

Cependant, alors que Kinshasa soutient qu’elle n’a pas beaucoup profité de l’arrangement Sicomines, la Chine affirme avoir construit plusieurs projets dans ce pays d’Afrique centrale malgré les obstacles, notamment le manque d’énergie pour développer les mines

L’année dernière, le ministère chinois des Affaires étrangères a défendu l’accord, affirmant que le modèle avait non seulement augmenté les recettes fiscales et créé plus d’emplois en RDC, mais avait également fourni des investissements dans des projets d’infrastructure tels que des routes, des hôpitaux et des centrales hydroélectriques.

L’affaire Sicomines n’est pas le seul projet sous un nuage. Le géant minier China Molybdenum a subi la semaine dernière un revers majeur après qu’un tribunal congolais lui a temporairement suspendu l’exploitation de la mine de cobalt et de cuivre de Tenke Fungurume, dans laquelle il détient une participation majoritaire.

Un tiers d’administrateur serait nommé pour six mois, a déclaré un tribunal de commerce de Lubumbashi dans une affaire déposée par la société minière publique congolaise Gécamines, qui détient 20% du projet.

Les problèmes de China Moly, le deuxième producteur mondial de cobalt, sont apparus deux semaines seulement après que son PDG Sun Ruiwen et Felix Tshisekedi se sont engagés dans un appel vidéo, où ils ont discuté d’un plan de création d’une chaîne d’approvisionnement pour les « nouveaux métaux énergétiques ».

Ils s’étaient rencontrés plus tôt en décembre à Kinshasa, où le Président avait indiqué que “ l’expansion de TFM [Tenke Fungurume Mining] et le développement de la mine de cuivre et de cobalt de Kisanfu sont les principaux projets d’intérêt national en RDC”.

China Moly a acquis une participation de 95 % dans la mine de cuivre-cobalt de Kisanfu auprès de la société américaine Freeport-McMoRan en décembre 2020 pour 550 millions de dollars.

Le gouvernement congolais, par l’intermédiaire de la Gécamines, accuse China Moly de ne pas avoir déclaré des milliers de tonnes de réserves de cuivre et de cobalt sur le site de Tenke, une décision qui aurait refusé à Kinshasa des redevances indispensables.

Cela survient après que Kinshasa a formé une commission en août dernier pour enquêter sur les réserves du projet TFM, qui, selon elle, aiderait à déterminer la véritable valeur de la participation du gouvernement à travers la Gécamines.

Selon Benchmark Mineral Intelligence, Tenke est le deuxième producteur de cobalt en RDC après l’anglo-suisse Glencore et représentait environ 10% de l’approvisionnement mondial l’année dernière.

L’action en justice intervient à un moment où la chaîne d’approvisionnement en cobalt est déjà sous pression en raison de la forte demande du secteur des batteries, aggravée par les problèmes logistiques liés à la Covid-19, selon Benchmark.

Il a noté que China Moly avait prévu de produire entre 17 500 tonnes et 20 500 tonnes de cobalt cette année, contre 18 500 tonnes en 2021.

“ Cette chaîne d’approvisionnement est déjà sous tension car la demande de cobalt est assez bonne”, a déclaré Caspar Rawles, responsable des données chez Benchmark, et d’ajouter : “Si la décision du tribunal entrave la fluidité des exportations de matériaux, cela exacerbera les prix élevés sur plusieurs années”.

Parmi les autres sociétés chinoises opérant en RDC figurent Huayou Cobalt, Chengtun Mining, Wanbao et CNMC, ou China Nonferrous Metal Mining Corp.

Les États-Unis avaient auparavant des intérêts miniers substantiels dans le pays. Freeport-McMoRan a exploité le projet TFM avant de vendre sa participation de 56% à China Moly en 2015, suivi de l’accord sur le projet cuivre-cobalt de Kisanfu l’année dernière. China Moly a porté sa participation dans TFM à 80% en 2019.

“ La rivalité des grandes puissances sur les richesses minérales de la RDC pourrait ne pas profiter au pays. Quand deux éléphants se battent, l’herbe souffre. Nous ne voulons pas que la RDC soit l’herbe qui souffre. Nous, nous-mêmes, devons être organisés. Nous devons établir nos ressources avant de les mettre sur le marché capitaliste, qu’il soit occidental ou oriental, ce n’est pas ce qui compte. Ce qui compte, c’est que nous obtenions nos avantages mérités dans cet équilibre des pouvoirs”, a déclaré Adolphe Muzito.

PKTK