La Présidence de la République Démocratique du Congo demeure le centre des scandales financiers et des corruptions. Cette fois ci, un autre scandale impliquant le conseiller stratégique de Félix Tshisekedi vient de voir le jour. Dans des vidéos en caméra cachée, Vidiye Tshimanga, le conseiller stratégique du chef de l’État , offre un accès aux mines du pays en échange d’une commission. Se rendant compte qu’il a été piégé, il s’en défend et prétend avoir, au contraire, voulu piéger ses interlocuteurs.

Une enquête réalisée en partenariat avec le consortium d’investigation OCCRP, spécialisé dans la lutte contre la corruption, au mois juillet 2022, révèle Vidiye Tshimanga, l’un des hommes politiques les plus haut placés de la République démocratique du Congo, quitte en taxi son hôtel de luxe du quartier de St. James à Londres, pour se rendre au Hide, un restaurant étoilé Michelin, où il avait rendez-vous possiblement lucratif. Son vol, son hôtel, ses repas et ses courses en taxi ont été pris en charge par un homme et une femme qui prétendaient travailler pour un conglomérat basé à Hongkong et s’intéresser aux minéraux congolais. Au cours d’une visioconférence d’une demi-heure le mois précédent, Tshimanga avait été interrogé sur ses liens avec le président Félix Tshisekedi. Satisfaits de ses réponses, ces mystérieux investisseurs lui avaient proposé cette rencontre à Londres. Mais il ne s’agissait pas d’investisseurs ordinaires. Au cours de trois réunions, une en ligne et deux en personne, le duo a enregistré Vidiye Tshimanga à son insu, alors qu’il se vantait de sa proximité avec le président et proposait de créer avec eux une société dans laquelle il détiendrait une participation déguisée par des prête-noms et des montages offshores opaques.

«Si nous faisons des affaires ensemble, je prendrai mon… pourcentage de l’investissement et je gagnerai de l’argent», affirme-t-il sans détour. En contrepartie, continue le conseiller stratégique du président congolais, il promet d’user de son influence pour obtenir des licences d’exploitation minière, éviter la paperasserie aux investisseurs et «protéger» leur investissement contre des fonctionnaires indiscrets. Plus tard, il ira jusqu’à suggérer qu’il agit pour le compte du président.

«Si je demande [au président] quelque chose, il donne», déclare Vidiye Tshimanga, en anglais. «Moi, c’est le président… Le président ne fait pas d’affaires [directement]».

Dès leur premier échange en ligne, le conseiller congolais propose aux investisseurs de s’associer avec sa société congolaise, la COBAMIN. Le conseiller prend rapidement ses aises. Il décrit un accord qu’il aurait conclu par le biais de COBAMIN avec la société Ivanhoe Mines, cotée en bourse à Toronto.

«Avec Ivanhoe, ils ont 80%, j’en ai 20, déclare Vidiye Tshimanga. Mes 20% sont divisés en deux, donc vous avez 10%, c’est COBAMIN – ma société. Les autres 10%, parce que dans la loi minière, vous avez l’obligation d’avoir une personne congolaise [dans la société]… [Cette] personne congolaise est quelqu’un que nous avons choisi.»

La même source indique que lors de leur première rencontre à Londres, Vidiye Tshimanga insiste à nouveau sur sa proximité avec le président Tshisekedi, affirmant même avoir financé sa campagne pour devenir président.

«Je l’ai rencontré en 2014, et nous sommes devenus très proches, a-t-il déclaré. Il vient chez moi, nous dînons ensemble à la maison. Sa femme, c’est une bonne amie de ma femme.»

Durant ce rendez-vous, le conseiller congolais explique savoir que sa position publique l’empêche de conclure des contrats à titre privé. Mais plutôt que de mettre fin aux discussions, il propose aux mystérieux investisseurs une solution de contournement.

«Nous avons différentes façons de faire»
«La société ne sera pas à mon nom, car je suis un PEP [politically exposed person], dit-il. «Nous avons des trusts qui sont sur l’île Maurice, nous avons différentes façons de le faire, mais généralement nous mettons les noms des personnes que nous contrôlons dans le pays. Mais c’est nous qui dirigeons. […] Je suis toujours derrière.»

Plus tard, Tshimanga se vante d’avoir d’autres partenaires. L’un d’eux, assure-t-il, lui aurait même promis un hélicoptère pour l’emmener de Londres à Paris pour discuter d’une concession et aurait promis d’injecter «200 millions».

Cité par le journal “Le temps”, Vidiye Tshimanga n’a pas remis en doute l’authenticité des vidéos. Il a en revanche multiplié les explications contradictoires. Dans un premier temps, il a affirmé qu’il s’agissait de rendez-vous privés. Puis prétendu que l’enregistrement n’était pas fiable en raison de son mauvais anglais. Et enfin qu’il savait qu’il s’agissait d’un piège tendu par lui-même et qu’il voulait voir «jusqu’où iraient l’homme et la femme».

Pour étayer son propos, le conseiller de Tshisekedi a fait écouter aux enquêteurs un extrait de son propre enregistrement de la fin d’un de ses rendez-vous avec les «investisseurs», où il leur dit ne pas être en mesure de faire affaire avec eux parce qu’il fait partie du gouvernement. Interrogé sur la possibilité d’avoir dit cela uniquement pour se protéger après avoir soupçonné qu’il avait été piégé, il a nié, assurant «tout enregistrer». Mais a refusé de partager la bande complète.