Le Bureau du Sénat a non seulement décidé d’autoriser les poursuites judiciaires contre le Sénateur Matata Ponyo Mapon, ancien ministre des Finances et Premier ministre, mais il est allé plus loin en levant ses immunités, répondant favorablement au réquisitoire du Procureur Général près la Cour Constitutionnelle. C’est le début d’une longue procédure censée déboucher sur un procès autour de l’indemnisation des anciens propriétaires des biens zaïrianisés.

Si Matata est le principal visé, ce procès – en tout cas si il aura lieu – embarrasse les partenaires extérieurs, principalement le FMI, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et certains pays dont la Belgique, la Chine, l’Italie et le Portugal qui ont participé et validé le protocole d’accord du 29 septembre 2010 sur la base duquel la procédure d’indemnisation des propriétaires des biens zaïrianisés a été enclenchée.

En réalité, c’est sous l’œil vigilant de tous ces partenaires que les créanciers non membres du Club de Paris, ou club de Londres, désignés dans l’accord comme «créanciers participants», se sont réunis à Kinshasa les 28 et 29 septembre 2010 avec les représentants du Gouvernement de la RDC afin « d’examiner la demande d’allégement du service de la dette extérieure du pays».

Aujourd’hui, ce sont ces paiements effectués pour le compte des bénéficiaires clairement identifiés que le Sénateur Matata Ponyo Mapon est poursuivi par les services du Parquet Général près la Cour Constitutionnelle.

En l’absence de la plénière qui s’était opposée, le 15 juin dernier, à la levée des immunités du sénateur Matata sur un premier dossier portant sur le Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, le Bureau du Sénat a donc décidé lundi d’autoriser les poursuites judiciaires contre le sénateur Matata. En réalité, le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle n’attendait que cette occasion.

Le Président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, vient de lui livrer Matata sur un plateau d’or. Concernant le très nébuleux dossier des biens zaïrianisés, dans son réquisitoire, le PG a relevé que plus de 100 millions USD et de 27 millions d’euros ont été décaissés sur ordre du ministre des Finances, en l’occurrence Matata Ponyo, pour dédommager des personnes autres que celles prévues dans les accords qu’il qualifie de «fictifs».

Si le Premier ministre avait réussi à convaincre suffisamment « d’amis » de ne pas le lâcher en plénière le 15 mai, quel que soit le dossier à sa charge, il savait pertinemment que le Bureau du Sénat, qui allait être seul aux affaires durant les vacances parlementaires, serait moins «compréhensif».

Sous la pression, Modeste Bahati n’avait d’autre issue que de livrer Matata. La politique a donc pris le dessus sur la raison.

Mais, le dossier des biens zaïrianisés est une véritable boîte de pandore. Car, le protocole d’accord du 29 septembre 2010, dite «Accord de Sultani», a été signé à Kinshasa en présence des délégués de tous les partenaires extérieurs de la RDC. Et des bénéficiaires ou leurs délégués, clairement identifiés, ont apposé dans ce document leurs signatures. Qu’ils soient présentés comme «fictifs», c’est aussi la crédibilité de tous ces partenaires extérieurs, sans oublier tous ces ambassadeurs qui défilaient au ministère des Finances pour plaider la cause de leurs compatriotes, témoins de l’accord du 29 septembre 2010, qui est remise en cause. Sans doute, ils comparaitront comme «renseignant» au procès pour donner leur version des faits.

On s’attend à une bataille juridique dont les enjeux pourraient dépasser le territoire de la République Démocratique du Congo. Ayant donné leur caution morale à l’accord du 29 septembre 2010, signé par l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE, des partenaires tels que le FMI, la Banque Mondiale, la BAD et certains pays (Belgique, Chine, Italie et Portugal) auront un mot à dire dans les griefs mis à charge du sénateur Matata Ponyo Mapon.