Depuis la fin de l’année 2022, les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda ont perpétré des exécutions illégales, des viols et d’autres crimes de guerre manifestes dans l’Est de la République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch. Des attaques par armes explosives menées dans des zones habitées de la province du Nord-Kivu ont tué et blessé des civils, endommagé des infrastructures et exacerbé une crise humanitaire déjà catastrophique. Des groupes armés opposés au M23 ont également commis des viols.

L’armée rwandaise a déployé des troupes dans l’Est de la RD Congo pour fournir un soutien militaire direct au M23, l’aidant à étendre son contrôle sur le territoire de Rutshuru ainsi que sur le territoire de Masisi voisin. Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait ajouter les dirigeants du M23, ainsi que les responsables rwandais qui soutiennent ce groupe armé responsable d’abus, à la liste des cibles des sanctions du Conseil.

“ Les meurtres et viols commis sans relâche par le M23 sont favorisés par le soutien militaire que les commandants rwandais apportent au groupe armé rebelle ”, a affirmé Clémentine de Montjoye, chercheuse au sein de la division Afrique à Human Rights Watch. « La RD Congo et le Rwanda ont tous deux l’obligation de traduire en justice les commandants du M23 pour leurs crimes, ainsi que tout responsable rwandais qui les soutient. »

Le groupe armé M23 comprend des soldats qui ont pris part à une mutinerie au sein de l’armée nationale congolaise en 2012. Les commandants hauts gradés du groupe ont un passif bien connu de graves abus commis contre des civils. La situation sécuritaire catastrophique a été aggravée par deux ans d’état de siège dans la région et par la collaboration des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) avec plusieurs groupes armés, principalement sur la base de critères ethniques. Les parties belligérantes font de plus en plus appel aux loyautés ethniques, exposant les civils des zones reculées de la province du Nord-Kivu à un risque accru.

De mars à mai 2023, Human Rights Watch a mené des entretiens, en personne et par téléphone, avec 81 victimes d’abus congolaises, leurs familles, des témoins, des autorités locales, des représentants d’organisations non gouvernementales congolaises et internationales, des représentants des Nations Unies, ainsi que des diplomates étrangers. Human Rights Watch a aussi vérifié, à l’aide d’images satellite, de photos et de vidéos, le bombardement et la destruction d’infrastructures civiles. La plupart des abus documentés ont eu lieu entre novembre 2022 et mars 2023.

Human Rights Watch a documenté 8 exécutions illégales et 14 cas de viol commis par les combattants du M23. Human Rights Watch a également reçu des informations crédibles à propos de plus d’une dizaine d’autres exécutions sommaires commises par les forces du M23, mais en raison des contraintes d’accès et de sécurité, n’a pas pu corroborer de manière indépendante ces éléments. En outre, sept personnes ont été tuées et trois autres ont été blessées lors de bombardements apparemment indiscriminés sur des zones habitées à Kanombe, à Kitchanga et près de Mushaki, lors d’attaques du M23.

Des survivantes ont fait part de cas où des combattants du M23 ont violé des femmes devant leurs enfants et leurs maris, ce qui amplifie le traumatisme subi par les victimes et érode le tissu social des communautés et des familles. Des viols collectifs impliquant jusqu’à cinq agresseurs ont été rapportés. En raison de la stigmatisation et la tendance des victimes à ne pas rapporter ce type d’agression, le nombre total d’incidents de violences sexuelles commis par les groupes armés est très probablement beaucoup plus élevé.

Une mère de six enfants âgée de 46 ans, qui a fui Mushaki dans le territoire de Masisi le 25 février avec sa mère âgée de 75 ans, est tombée sur un groupe de 10 rebelles du M23 qui ont pris leur argent.

“ Ils ont voulu nous violer ”, a-t-elle raconté avant d’ajouter : “ Ma mère a dit non, alors ils lui ont tiré une balle dans la poitrine et elle est morte sur-le-champ. Puis quatre d’entre eux m’ont violée. Alors qu’ils me violaient, l’un d’eux a dit : «Nous sommes venus du Rwanda pour vous détruire».”

Les survivantes et les témoins ont identifié les combattants du M23 sur la base de leurs uniformes et leur équipement, et dans certains cas, avec l’aide de photographies publiées par le Groupe d’experts des Nations Unies sur la RD Congo. Des victimes ont déclaré que certains rebelles du M23 se sont identifiés en tant que tels ou ont dit être venus du Rwanda.

Human Rights Watch a également documenté six cas de viol commis par des rebelles liés à d’autres groupes armés, y compris les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé principalement de Hutus rwandais, dont certains des dirigeants ont pris part au génocide de 1994 au Rwanda, et les Nyatura Abazungu.

Les dirigeants du M23 ont nié que leurs forces aient commis des crimes. Le 6 juin, Human Rights Watch s’est entretenu avec un porte-parole du M23 qui a dit que le groupe armé niait les allégations selon lesquelles ses forces avaient commis des abus.

Le Groupe d’experts des Nations Unies, qui surveille les violations de l’embargo sur les armes et les sanctions en RD Congo, a présenté de manière indépendante des preuves convaincantes attestant du soutien rwandais aux rebelles du M23. Le gouvernement rwandais a rejeté ces allégations.

Le 1er mai, la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) a annoncé que ses troupes étaient déployées pour « garantir le respect du cessez-le-feu et, en outre, superviser le retrait des groupes armés ». Les processus politiques menés par la CAE et l’Union africaine (UA) devraient garantir qu’une aide humanitaire adéquate soit fournie aux personnes dans le besoin et que les victimes d’abus aient accès à la justice, a déclaré Human Rights Watch.

Human Rights Watch via 24sur24.cd