Comment nommer Vital Kamerhe à la primature sans énerver des susceptibilités d’équilibre géopolitique ? Dans le contexte actuel, Bahati Lukwebo (Sud-Kivu) éloigne Kamerhe.

Décryptage avec l’analyste sociopolitique Jean-Rigobert Muhima. La montée en puissance de l’ethnicisme dans notre multiculturalité sociétale et la prise en compte de la fonction constitutionnelle de Bahati Lukwebo barrent la route à toute élévation en dignité de Vital Kamerhe dans le contexte présent de notre système politique, explique Muhima.

Avec Félix Tshisekedi, président de la République (issu du grand Kasaï), Sama Lukonde, Premier ministre (issu du grand Katanga), Christophe Mboso, président de l’Assemblée nationale (issu du grand Bandundu) et Bahati Lukwebo, président du Sénat (issu du grand Kivu), toute nomination en faveur de Kamerhe devient hypothétique voire géopolitiquement conflictuelle. En raison de son appartenance à une même province que le président du Sénat, il est chimérique, dans un contexte politique aussi trouble d’imaginer Kamerhe, Premier ministre, a-t-il ajouté.

Voilà la donne qui pourrait justifier tout basculement dans l’environnement sociopolitique congolais. Si Félix Tshisekedi tient à positionner son allié en prévision des futures élections nationales, il faudrait compter avec des chambardements à différents niveaux. Or, Bahati Lukwebo, ce puissant allié de Tshisekedi est un homme avare de postes. Les rumeurs autour d’une probable promotion politique de Kamerhe ne pourraient qu’irriter des ambitieux du camp Bahati.

Mais la grande question demeure celle de savoir si Félix Tshisekedi éprouve encore le besoin de conserver Bahati Lukwebo à ce niveau de responsabilité lorsqu’on sait que ce dernier (Bahati) n’a jamais été un enfant de coeur dans les affaires politiques. Comme président du Sénat, il est présidentiable conformément à la Constitution. « En cas de vacance de la présidence de la République pour cause de décès, de démission ou pour toute cause d’empêchement définitif, telle que déclarée par la Cour constitutionnelle, le président du Sénat exerce les fonctions de président de la République conformément à l’article 75 de la Constitution ».

Qui sacrifier pour Kamerhe ?

Les deux alliés de Tshisekedi à savoir Bahati et Katumbi ont toujours vécu dans le« je t’aime, moi nomplu ». Bahati Lukwebo s’est toujours comporté comme un ennemi de Moïse Katumbi depuis leur rapprochement avec Félix Tshisekedi, question de mieux assurer son positionnement aux côtés du « Boss » (Félix Tshisekedi).

Sauf qu’il ne faut pas trop vite tirer de conclusion sur cette apparente rivalité étant donné que Bahati est un politicien assez souple qui sait quand et comment rassurer Katumbi. Nommé informateur par Félix Tshisekedi le 31 décembre 2020, il avait affûté toutes ses armes pour occuper le prestigieux poste de Premier ministre, chef du gouvernement jusqu’à ce qu’il se surprendra de constater qu’un deal souterrain avait été passé pour élever Sama Lukonde aux charges de chef du gouvernement. Bahati n’avait pas caché ses regrets même s’il ne s’interdisait pas de proclamer son total soutien au président Tshisekedi. Il se trouve que le temps passe et les enjeux politiques se recomposent.

Depuis quelques temps en effet, Moïse Katumbi est ni pour, ni contre Tshisekedi. Trop de suspicions caractérisent les relations entre les deux personnalités. Au point qu’elles en sont à une nécessité de clarification réciproque. Katumbi se réserve encore de dégainer pour ne pas nuire à ses ambitions politiques futures et le chef de l’État jugeant indélicat toute conflictualité déclarée avec le robuste katangais toujours populaire. Surtout en cette période sensible de difficile cohabitation entre Kasaiens et Katangais. .

Tshisekedi peut-il tout recomposer pour Kamerhe ?

« Vital Kamerhe, c’est mon frère. Je suis totalement désolé et affecté de ce qui lui arrive. Je ne l’ai pas voulu. Contrairement à certains dires de mal intentionnés« , avait déclaré le président Tshisekedi, répondant à une question de la journaliste Francoise Buela de la RTNC, le jeudi 1er juillet 2021 à Goma. Condamné à 13 ans de travail forcé, Vital Kamerhe a bénéficié d’une mesure d’exception en raison de la fragilité de sa santé qui avait dégénéré en prison. Ce qui le fit interner dans un centre médical (Nganda) de Kinshasa jusqu’à son évacuation pour l’étranger.

Tshisekedi fait actuellement face aux évidences de son bilan qu’il conviendra coûte que coûte défendre devant la nation. Il a donc cette conscience troublée par les quelques ratés de sa gouvernance ponctuée de plusieurs scandales de détournement de la part de certains de ses collaborateurs insaisissables. Même si l’opinion reconnaît en Félix Tshisekedi une bonne étendue de bonne volonté, son système reste vermoulu. Le chef de l’État fait face à une montagnes de défis sur tous les plans pour mieux affiner son discours bilan.

Or, les intelligences d’action se font rares autour de lui. Si Kamerhe a repris toute sa forme, il serait indiscutablement le joker idéal. Comme Premier ministre, il devrait tenter de recoller les morceaux, stabiliser l’action gouvernementale et prophétiser utilement autour de son patron pour un second mandat. Ce rôle là n’est pas attribuable à Bahati Lukwebo, jugé bon communicateur mais pas suffisamment convaincant pour pareille tâche. Le président pourrait donc accepter de recomposer ses cartes pour un atterrissage équilibré de son quinquennat.

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