Le procès de l’ancien « Monsieur sécurité » de Félix Tshisekedi doit s’ouvrir ce vendredi 3 juin à 9h à la prison kinoise de Makala, où siègera exceptionnellement la Haute cour militaire. Sur le banc des accusés figureront également plusieurs des anciens collaborateurs de François Beya, dont le colonel David Cikapa, son directeur de protocole ; Guy Vanda, son secrétaire particulier ; mais aussi le brigadier Tonton Twadi Sekele, le commissaire supérieur principal Lily Tambwe Mauwa et le lieutenant-colonel Pierre Kalenga Kalenga.

Tous sont officiellement poursuivis pour avoir, « dans une période allant de l’année 2020 au 4 février 2022, participé à un complot en vue d’atteinte contre la personne du président de la République ». Mais les charges détaillées dans la citation à comparaître délivrée contre François Beya (document auquel Jeune Afrique a eu accès) donnent une idée de la gravité des accusations qui pèsent sur lui et qui, jusqu’à présent, n’avaient jamais été dévoilées.

Pour étayer ses accusations, la justice militaire congolaise affirme que François Beya, qui a été arrêté le 5 février dernier et sera défendu par Me Raphaël Nyabirungu, aurait ordonné à son chef du protocole, le colonel Cikapa, d’acheter du matériel militaire auprès de Morane Consult, une société belge basée à Liège. Cet achat, réalisé « dans le courant de l’année 2020, sans autorisation préalable du ministère de la Défense et de la Maison civile du président de la République », concernerait « trois tenues militaires, un polo militaire, un sac à dos, une paire de bottines et deux ceinturons ».

Souvent soupçonné par certains proches de Tshisekedi d’entretenir des liens avec l’ancien président Joseph Kabila, dont il a été l’un des collaborateurs lorsqu’il dirigeait la Direction générale de migration (DGM), François Beya est aussi accusé d’avoir maintenu des contacts avec certaines personnalités controversées de l’entourage du Raïs. Il se serait ainsi rendu à Harare, au Zimbabwe, « dans le courant de l’année 2021 », pour y rencontrer en personne John Numbi.

Ex-patron de la police congolaise, général sous sanctions internationales depuis 2016, Numbi était l’un des faucons de l’entourage de Kabila. Officiellement visé par un mandat d’arrêt émis par l’auditorat militaire en avril 2021, il a fui la RDC juste avant d’être interpellé. Depuis, plusieurs rumeurs le disaient au Zimbabwe et la justice militaire lui reproche de « s’activer pour le recrutement d’anciens éléments du bataillon Simba (sorte de police dans la police aux ordres de Numbi) vivant en Angola et en Namibie pour renverser le régime en place ».

Régime des prévenus


Incontournable dans la région, extrêmement connecté dans les palais des pays voisins, Beya est également accusé d’avoir retenu des informations « sur des projets ou actes de trahison ou d’espionnage ». En guise d’exemple, la citation à comparaître le visant évoque « des actes de préparatoires de déstabilisation du pouvoir de Kinshasa à partir de la Tanzanie suite à la mutualisation des forces entre la RDC et l’Ouganda », dont Beya n’aurait pas informé Tshisekedi.

L’ex-conseiller aurait aussi dissimulé l’existence d’un réseau d’infiltration dans les grandes villes du Katanga de miliciens Bakata Katanga, et caché au président certains messages de son secrétaire particulier Guy Vanda qui sur, WhatsApp, aurait assimilé le pouvoir à un « régime de prévenus ».

Beya se serait lui-même rendu coupable de propos injurieux à l’encontre du chef de l’État. Sa citation mentionne des propos échangés, toujours sur WhatsApp, avec un certain Léon Kangudia, dans lesquels Beya parle de Tshisekedi dans les termes suivants : « Bourrique, le joufflu, [il] aime seulement manger la farine de manioc » (« Zoba-zoba, matama, alingi kaka fufu », en lingala).

Police privée ?

« Fantomas » est enfin mis en cause pour « avoir, par quelque moyen que ce soit, incité un ou plusieurs militaires à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline ». Il lui est notamment reproché d’avoir, en 2021, incité le commissaire supérieur principal, Lily Tambwe Mauwa, à créer « sans autorisation de la hiérarchie de la police » un sous-commissariat dénommé « Idjwi », dans l’enceinte de sa ferme de Mitendi.

Le même commissaire aurait été poussé à participer à des séances d’entraînement au tir organisé « sans autorisation » dans le Kongo-Central pour les éléments de la police affectés au Conseil national de sécurité, que dirigeait Beya. Au cours de sa détention à Makala, l’ex-conseiller sécurité avait déjà été interrogé sur une possible instrumentalisation de la police nationale congolaise (PNC) à des fins personnelles. Lui n’a cessé de répéter à ses proches, qui ont pu lui rendre visite, qu’il faisait les frais d’une guerre de palais.

Jeune Afrique via 24sur24.cd